La résorption de l’habitat insalubre est une question éminemment politique au sens noble du terme.
Les drames que nous avons connus l’an dernier et qui ont mis en lumière la misère au cœur de Paris nous interpellent sur notre capacité à répondre à des situations qui ne devraient plus exister dans une société développée et démocratique comme la nôtre et confirment la réalité de la crise du logement et l’absolue nécessité d’y répondre vite et fort. Le logement, avec l’emploi et l’éducation est l’un des piliers fondamentaux de notre société, la première pierre de la dignité humaine. L’habitat insalubre participe au processus de désintégration humaine, est un facteur de discrimination qui met à mal la République.
Bref, il s’agit de permettre à chaque Parisien, à chaque Francilien, de ne pas vivre dans un taudis, d’accéder à un cadre de vie digne où les conditions d’hygiène élémentaire sont assurées, où la santé n’est pas en danger comme c’est le cas avec le scandale du saturnisme. L’éradication de l’habitat insalubre au cours de la mandature était un des axes forts de la campagne de Mr Delanoë. Cet objectif figure à trois reprises dans son contrat de mandature. Sur ce dossier, Mr Delanoë a fait preuve une nouvelle fois d’un incroyable décalage entre discours, de belles paroles dites la main sur le cœur avec des trémolos dans la voix et la réalité.
En effet, le cabinet d’audit Arthur Andersen, dans son rapport remis à la demande du Maire de Paris après son accession au pouvoir, synthétisa son analyse en ces termes : « Les problématiques de résorption de l’habitat insalubre sont d’une maîtrise complexe (relogement) et d’un coût élevé, équivalent ou supérieur à la construction neuve. Pour un objectif de 300 logements par an, on pourrait évaluer l’investissement à 480 MF chaque année. »
Ainsi, l’audit évalua à 73,18 M€ annuels la somme nécessaire pour traiter l’insalubrité. Or lors de la présentation du budget 2002, acte fort de politique, seulement 0,95 million d’euros étaient attribués à cette lutte. Aussi, en tant qu’élue d’un arrondissement marqué par l’habitat insalubre, j’avais déposé un amendement budgétaire d’un montant de 36 millions d’euros en faveur de l’éradication de l’habitat insalubre qui a été refusé. M MANO m’avait alors répondu pour justifier ce refus « Il ne s’agit pas de traiter l’insalubrité pour ne pas faire le tramway. Oui, nous traiterons l’insalubrité et oui, nous ferons le tramway ». Force est de constater et de le regretter, le traitement de l’insalubrité n’a pas été la priorité de la nouvelle équipe municipale. L’exemple de l’arrondissement d’élection du Maire de Paris, le 18ème, est révélateur avec plus de 263 adresses qui inquiètent avec le mois dernier un nouvel incendie au 25 rue Stéphenson en pleine Goutte d’Or. Où est la logique sociale d’une politique qui consiste à acheter très cher des immeubles entiers dans les arrondissements du Centre et de l’Ouest parisien dont 90% sont occupés ? Cette politique d’acquisition à tout prix l’a emporté sur l’éradication de l’habitat indigne au XXIème siècle.
Où est la logique sociale d’une politique qui consiste à vendre le domaine privé alors que du logement social diffus pourrait y être réalisé ? Le Maire de Paris prétend construire 3500 logements par an et maintenant 4000 or seul un tiers fait l’objet d’une création ex-nihilo, est réellement construit. Quand on voit le nouveau programme de logements commencés à la Porte des Poissonniers entre le périphérique, les maréchaux et les voies ferrées, cela m’étonnerait que Bertrand Delanoë vienne y passer une semaine car les nuisances sonores et en terme de pollution seront maximales. Où est la logique sociale d’une politique qui consiste à consolider, à conforter les squats ; ce que nous vivons particulièrement dans les 18ème et 19ème arrondissements qui font désormais partie du club fermé des 20 communes sur 1082 les plus pauvres de la Région Ile de France ? Un exemple : le 19 rue Affre est interdit à l’habitation depuis 1997, l’expropriation a été signée en 2001 et les occupants sont toujours là. Où est la logique sociale d’une politique qui consiste à loger de manière prioritaire des occupants sans titre, parfois sans papiers par rapport à d’autres qui attendent depuis plusieurs années ? J’aimerais également rappeler que la polygamie est illégale en France, contraire aux lois de notre République et que notre collectivité n’a pas à faciliter de telles pratiques. Membre de la commission d’attribution des logements de l’OPAC, j’ai eu l’occasion de le signaler.
L’effort consenti récemment avec 42M€ en 2005 cofinancés avec l’Etat ne suffira pas à rattraper le retard accumulé depuis 2001. Chacun, les Verts comme le Groupe UMP a dénoncé la faiblesse coupable de son action. Rappelons qu’un immeuble dégradé en 2001 peut être insalubre aujourd’hui. En premier lieu, la convention pour la résorption de l’habitat insalubre ne couvre pas la totalité des immeubles concernés, mais se limite à 800 adresses sur 1000. Sur les 1000 immeubles insalubres, soit 18000 logements, seulement 198 ont été libérés de leurs occupants. La Ville est discrète sur le nombre d’immeubles réhabilités, un des secrets les mieux gardés à l’Hôtel de Ville, puisqu’il ne dépasse pas au mieux quelques dizaines. L’UMP n’a de cesse de réclamer un tableau précis avec le nombre d’immeubles en cours de traitement et les adresses et le nombre d’immeubles sortis de l’insalubrité et leurs adresses. Les hôtels meublés sont les oubliés de la lutte contre l’insalubrité. Scandale de conditions d’hébergement d’un autre âge. C’est notre collectivité qui finance le scandale des hôtels meublés et des marchands de sommeil en payant des sommes astronomiques pour par exemple des réduits indignes et insalubres. Le reportage diffusé le mois dernier sur M6 citait 2635€ pour 15m2. La Ville de Paris n’a acheté que 60 hôtels meublés sur 650 depuis 2001.
Pour masquer l’échec, le Maire de Paris s’agite en communiquant abondamment sur la question de l’insalubrité. Il crée un « observatoire des hôtels meublés » qui vient se superposer à l’ « observatoire de l’insalubrité ». La Ville de Paris se contente de cibler les « propriétaires voyous » et de reporter la responsabilité sur les tiers . Pourtant, la Ville de Paris est propriétaire de 200 logements vides répartis sur une cinquantaine d’adresses parisiennes et rien n’avance ou à très petite vitesse… Ce alors que le pouvoir des maires a été renforcé depuis le 15 décembre 2005, en leur accordant la possibilité de faire réaliser d’office les travaux en urgence dans les immeubles en péril. Une fois encore, le choix des mots traduit l’absence de résultats : le maire ne parle que l’ «immeubles traités », ce qui laisse un flou total sur l’effectivité du résultat. En effet, l’administration parisienne considère comme « traité » un immeuble faisant l’objet d’une procédure administrative en cours. Les immeubles traités incluent donc des immeubles pour lesquels les travaux n’ont pas été entrepris. L’échec du traitement de l’insalubrité tient également à la création infime de logements relais pourtant indispensables pour libérer les immeubles insalubres le temps des travaux. Ainsi seulement 1, 5 M€ ont été programmés pour la création de logements relais en 2005. Le nombre de logements relais créés par la SIEMP, organisme ayant reçu délégation de la Ville de Paris pour l’éradication de l’insalubrité est seulement de 204 fin 2005.
Quant aux logements vacants, il s’agit une nouvelle fois d’un échec du Maire de Paris. Lors de sa campagne électorale, l’équation semblait pourtant simple : 100 000 demandeurs de logements sociaux 100000 voire 130000 logements vacants. Tout d’abord, une fois passé l’effet d’annonce, la Ville s’est rendue compte que les logements pouvant effectivement être remis sur le marché représentaient un potentiel n’excédant pas plus de 30 000 unités. En dépit de moyens colossaux, pour cet enjeu effectivement important, les résultats sont insignifiants. Après des débuts plus que laborieux, liés à l’amateurisme de la démarche, la municipalité nous assurait que la mise à disposition du fichier des logements vacants de l’administration des impôts allait permettre de réduire à la fois le coût de communication et d’augmenter le nombre de logements effectivement remis en location. En 2002, 369 287 € de frais dont 303000€ de frais de personnels et 66 287€ de frais de communication pour 4 logements effectivement loués. En 2003, 939 919€ de frais dont 610000€ de frais de personnels et 329 919 € de frais de communication pour 36 logements effectivement loués. En 2004, 878 844€ de frais pour 124 logements effectivement loués. En 2005, 949 690 € de frais pour 141 logements loués. Nous sommes au niveau déraisonnable de plus de 6700 euros par contrat signé. Le développement de la culture de l’évaluation s’avère une priorité à Paris. La municipalité n’a décidément pas une culture du résultat mais une culture de la dépense. Pour conclure, comme le rappelle régulièrement Jean-Louis BORLOO « Jamais l’Etat ne s’est autant engagé sur tous les fronts du logement. L’Etat apporte de nouveaux outils et de nouveaux financements »Une ordonnance a simplifié et renforcé l’efficacité des procédures de lutte contre l’habitat indigne. Sur la période 2005-2010, il est prévu conformément au plan de cohésion sociale dont Françoise de PANAFIEU a été le rapporteur à l’Assemblée Nationale le traitement de 24500 logements dont une moitié au titre de sortie de l’insalubrité et l’autre moitié dans le cadre du traitement des copropriétés en difficulté et des plans de sauvegarde.
N’attendons pas d’autres drames pour que l’éradication de l’habitat insalubre dans notre capitale européenne soit la priorité. Un Pacte pour l’habitat en Région parisienne et la mise en place d’une véritable gouvernance métropolitaine permettraient de résoudre durablement cette crise urbaine sans précédent.
mise en place d’une véritable gouvernance métropolitaine permettraient de résoudre durablement cette crise urbaine sans précédent.
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